12/11/2020 admin

Covid-19, confinement en chambre en EHPAD et dénutrition

Ce jour débute la première semaine nationale de lutte contre la dénutrition. La dénutrition touche 2 millions de personnes en France, il s’agit d’un enjeu de santé publique.

Ce sujet prend une coloration particulière à la lueur de la pandémie mondiale que nous traversons… Si le COVID-19 n’est pas directement responsable de dénutrition, ses conséquences et surtout les méthodes de lutte contre la propagation du virus ont des impacts terribles sur la qualité nutritionnelle.

J’avais déjà effleuré ces impacts lors du premier confinement, en écoutant les témoignages des équipes soignantes d’EHPAD qui avaient dû confiner en chambre leurs résidents : outre la désorientation temporo-spatiale due au changement de rythme des repas, elles avaient noté davantage de fausses routes et des pertes d’appétit.

Les études menées, et notamment celle-ci (https://www.ehpapresse.fr/actualite/le-confinement-une-arme-a-double-tranchant/ ) expliquent que la dénutrition et la déshydratation ont été davantage meurtrières que le Covid en lui-même.

 

Comment expliquer ce fait, alors que les résidents d’EHPAD sont encadrés par des professionnels formés, et sont censés disposer de l’assurance d’une nutrition correcte ?

Je suis passée de la théorie à la pratique lors de mes journées de formation aux troubles de déglutition de la personne âgée, en EHPAD…

J’ai été confrontée aux limites des soignantes, aux limites des moyens institutionnels et à mes propres limites.

En effet, comme lors de chaque formation à la dysphagie neurogériatrique, j’arrive avec mes beaux principes, mes belles explications, mes beaux schémas, mes belles mises en situation (ah, le doux moment où je demande aux stagiaires de se donner mutuellement à manger, avec des consignes cachées de vitesse, de malpositions…)…

Et comme à chaque formation, nous avons un atelier de réflexion collective autour de leurs pratiques et des améliorations possibles pour une prévention des fausses routes efficaces.

Et bien, je me suis sentie dépassée lors de ces formations en temps de COVID…

J’ai été confrontée à une détresse des équipes, une impuissance, voire une culpabilité.

Comment préserver les capacités masticatrices et l’autonomie quand tous les résidents mangent en chambre sans pourvoir être supervisés par les soignants , trop peu nombreux déjà en temps normal ? Le recours à l’alimentation mixée est hâtif, avec tout l’enchaînement que cela comporte : nourriture moins appétente, perte d’appétit, fonte musculaire, dénutrition…

Comment maintenir un poids correct quand les seuls plateaux disponibles sont ceux du petits déjeuner, et imposent des contenants plus petits et d’enlever l’entrée, limitant les quantité de nourriture ?

Comment garder le lien social, le plaisir de manger et finalement l’envie de vivre quand son quotidien se résume à 4 murs ? Les soignantes étaient terrifiées de constater le nombre de syndrome de glissements chez leurs résidents, et leurs refus toujours plus nombreux de s’alimenter.

Entendons-nous bien : je n’accuse personne, la situation étant bien trop exceptionnelle pour juger quoi que ce soit, aucune décision n’est sans impact. Je relate ici les expériences récentes relevées ici et là.

Je viens juste porter la parole de ces soignantes qui préféreraient animer une salle à manger collective plutôt que de choisir quel résident aider pour son repas. Je viens porter celle de résidents qui préféreraient prendre une quinte de toux pour avoir ri à une blague de leur voisin de table plutôt qu’une quinte de toux due à une alimentation mixée trop sèche et collante en bouche. Je viens porter la voix des familles qui constatent jour après jour, quand ils le peuvent, la dégradation de l’état de leur proche.

Tristement, ce terrible épisode que nous vivons, qui nous conduit à nous isoler physiquement les uns des autres, montre toute l’importance de l’Alimentation, avec un grand A.

S’Alimenter, ce n’est pas simplement se nourrir. Ou bien, si mais c’est se nourrir de contacts, de joies, de découvertes, de dégoûts, de sensations… Les aliments ne sont que les messagers.

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