Alimentation: et la confiance dans tout ça?

24/01/2022 admin

Alimentation: et la confiance dans tout ça?

Cela faisait un moment que je n’avais pas rédigé d’article.

L’idée de ce thème m’est venue lors d’un cours que je donnais aux étudiantes de la Licence de Technique Culinaire adaptée à la Santé à Nîmes.

Il s’agissait de leur journée d’évaluation. Le thème était libre, à savoir me montrer qu’elles avaient intégré les notions que je leur avais enseignées auparavant.
Pour celles et ceux qui me connaissent, vous savez que j’avais donc parlé de déglutition physiologique et pathologique, de plaisir de manger, du rôle des sens etc…

Ce jour-là, une étudiante (je la salue si elle me lit !) présente donc son travail à ses camarades et moi-même.
Elle avait filmé des séquences avec des proches dans une séance de dégustation pour laquelle elle avait annoncé qu’il s’agissait d’un travail sur l’équilibre nutritionnel. Une personne a énoncé qu’elle participait à l’atelier pour « faire plaisir » à l’étudiante. Cette phrase aura une importance pour la suite de mon analyse…
Devant ces personnes étaient disposés des bols avec des aliments différents : des crakers, du mueslï, des barres vitaminées et… des vers séchés comestibles.
Dans les 2 groupes, les aliments classiques  ont été dégustés sans difficulté aucune. Les commentaires qualifiaient les aliments de « bon », « original », « trop sucré ». Pour ce qui est des vers, il semblait y avoir une question de défi à les mettre en bouche.
Une amie s’est écriée « beurk, hors de question que je mange des insectes ».

En fin de séquence, l’étudiante annonce alors aux convives que tout ce qu’ils venaient d’ingurgiter était à base de … vers.
Comme l’on pouvait s’y attendre, les réactions ont été vives !
La jeune fille qui ne voulait pas manger de vers est partie se faire vomir, d’autres ont rigolé et se sont resservi, certains ont admis qu’en fait c’était plutôt bon…

Que peut nous apprendre cette histoire ?

Je vais repartir de la phrase citée plus haut « j’accepte de manger pour te faire plaisir ».

Je me suis donc posé la question de la confiance dans l’alimentation.

Afin de réduire les risques de dénutrition, de pneumopathies, de dysphagies, il est indispensable de stimuler les sens autour de l’alimentation : une belle présentation, un aliment olfactivement agréable, un jeu de textures en bouche, un travail particulier sur le goût…

Mais en amont de cela, au-delà des sens, quel impact peut avoir l’émotionnel, la mémoire, la confiance envers la personne qui me nourrit ?

Découpons cette analyse en 3 situations :

– Situation 1 : je me nourris moi-même. Je connais donc les aliments, la façon dont cela a été acheté, cuisiné, présenté.
– Situation 2 : Je ne me nourris pas moi-même mais je connais la personne qui me nourrit et je lui fais confiance.
– Situation 3 : Je ne me nourris pas moi-même et je ne connais pas la personne qui me nourrit, je ne sais pas si je peux lui faire confiance.

Je vous invite à vous projeter dans chacune de ces situations.
Dans laquelle êtes-vous le plus à l’aise ? Dans laquelle pensez-vous que vous passeriez un bon moment pour ce repas ? Laquelle pourrait vous empêcher de manger sereinement ?

Maintenant, rapportez vos ressentis à une personne qui se trouverait en état de dépendance, qui ne peut plus cuisiner, ou se nourrir seule.
Cette situation est évidemment à rapporter aux institutions ou aux personnes en maintien à domicile.

Eloigner la personne de son alimentation est déjà la mettre en situation pathologique, quand elle n’est plus maître du choix de ses aliments, de la façon dont cela est cuisiné ou présenté, de l’heure à laquelle elle peut manger, de la quantité dont elle peut bénéficier…
Mais si à cela nous ajoutons des intermédiaires « émotionnels », la difficulté s’accroît.
La mémoire émotionnelle est celle qui disparaît le plus tardivement dans la maladie d’Alzheimer. Ces personnes ont déjà par essence des difficultés d’alimentation dues aux troubles cognitifs ou moteurs.

Garder en tête la composante de la confiance envers les différentes personnes qui vont intervenir pour l’aider à se nourrir auprès d’elles est indispensable.

Il en va de même pour chaque individu en situation de perte d’autonomie.

Evidemment, la situation actuelle dans les EHPAD ou SSAD, le turn-over de soignants, l’éloignement des aidants, le manque de personnel ne font qu’amplifier ces difficultés.
Toutefois, il me paraissait important et nécessaire de partager le fruit de ces réflexions.

Et pour finir sur une note positive, sachez que cette étudiante avait amené les aliments en cours, mais n’avait pas osé me proposer directement cet atelier, de peur pour son évaluation. J’ai évidemment goûté tous les mets, et ne serait-ce que pour l’article qu’elle m’a permis d’en tirer, elle aura une note à la hauteur de son inventivité !

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