J’approche doucement de la quarantaine.
Ma vie a eu son lot de changements comme tout un chacun.
Je souhaiterais partager ici un certain bilan de ma vie professionnelle. Un état des lieux plus précisément, puisqu’elle n’est pas terminée, loin de là.
J’ai travaillé dès que j’ai pu, dès 14 ans. Babysitting, ménages ici et là, castration des maïs, cours de soutien, animatrice…
Puis j’ai monté mon cabinet d’orthophonie, jusqu’en 2018, où grâce à l’impulsion d’un directeur d’EHPAD, je me suis à nouveau lancée à mon compte en tant que consultante, sans, je peux l’avouer aujourd’hui, avoir d’idée précise sur ce que j’allais faire.
Apparemment, ce qui est sûr, c’est que j’aime être mon propre patron.
Garder ma liberté.
J’ai découvert le milieu de la gérontologie, qu’auparavant j’effleurais seulement au contact de mes patients âgés. Et j’ai découvert le milieu de la Silver Economy. Puis celui de la politique.
J’ai été très engagée nationalement, associativement et politiquement, en parallèle de mes engagements plus locaux en tant qu’élue ou adhérente d’associations locales.
Chacune de ces périodes a été d’une richesse incroyable, moi qui ne peux apprendre que par l’expérimentation (je pense d’ailleurs que c’est là la seule manière d’apprendre et d’intégrer durablement, mais c’est un autre sujet). J’ai rencontré des personnes qui ont joué un rôle clé dans ma pratique professionnelle.
Aujourd’hui, celles et ceux qui m’ont connue avant peuvent attester d’une évolution qu’on pourrait qualifier de contraire à l’évolution d’une carrière classique, qui sous-entendrait toujours une ascension hiérarchique.
Mais une ascension vers quoi ?
Avant, je pensais que les changements viendraient d’en haut, des sachants, des gouvernants.
Après avoir mis un pied dans ce milieu, avoir tenté, avoir expérimenté, avoir pris des murs, j’ai compris que je me trompais.
Parce que cette fameuse ascension est factice. C’est un éloignement. De la réalité, de l’humain, de la vie.
Les discours déconnectés de la part de personnes sur des sujets qui ne les touchent pas directement mais vont avoir des conséquences dramatiques pour bien d’autres, qui elles, vivent des réalités bien difficiles ne font qu’accroître mon envie de m’éloigner de ce système moribond.
Et pourtant, à chaque formation que je donne, à chaque projet que j’accompagne, à chaque conférence que je tiens, je repars toujours convaincue que les choses peuvent évoluer. Mais à partir de l’humain.
C’est pourquoi depuis quelques mois, je dés-ascensionne volontairement, pour me rapprocher de celles et ceux qui oeuvrent dans la vraie vie, et qui font bouger les lignes.
Je n’ai plus l’impression de travailler depuis que ma philosophie professionnelle a changé.
Je ne participe qu’à des projets qui me font vibrer et qui ont un sens.
Je ne connais plus la phrase « ça ne se fait pas ! ».
Je me sens alignée professionnellement et personnellement.
Authentique.
Mes filles m’ont fait remarquer qu’elles ne savaient pas quoi mettre à mon égard quand leurs professeurs ont demandé la profession de leurs parents…
Après discussion avec elles, il s’avère qu’à leurs yeux je ne travaille pas. C’est une idée qui me réjouit. C’est tout ce que je souhaite à mes enfants : ne pas avoir l’impression de travailler.
Et pourtant, il est 1h du matin quand je rédige ces lignes, après avoir passé 2heures sur la préparation de ma visio de demain matin, qui sera suivie de la rédaction d’un nouveau plan de formation qu’on m’a demandé, qui lui-même sera alimenté des nouvelles idées que j’ai retirées d’un projet précédent dans un EHPAD.
J’aspire à poursuivre ce mélange de toutes mes facettes et continuer à décloisonner le milieu de la gérontologie, simplement pour que la vieillesse redevienne la vie.
Donc aujourd’hui, concrètement, qu’est-ce que je fais ?
- Je forme des équipes soignantes d’EHPAD et de services à domicile à la prévention des dysphagies à coup de bonbons d’Harry Potter ;
- J’ai écrit un livre avec Lucie Briatte que j’ai rencontrée par la magie des réseaux sociaux et des synchronicités ;
- J’accompagne les changements de pratiques professionnelles dans le milieu du handicap et des âgés par des illustrations aussi concrètes que loufoques ;
- Je monte des projets avec un directeur d’EHPAD – celui qui m’a mis le pied à l’étrier (le comble pour une cavalière)- toujours plus loin des sentiers battus.
- J’anime des conférences, des ateliers, des tables rondes autant dans des petits villages que lors de grandes messes, avec toujours des personnes formidables qui viennent partager leurs réalités.
- Je donne des cours à des étudiants en licence et en master 2 de gérontologie avec la joie de les aiguiller sur des chemins différents.
- J’évalue des ESSMS dont les professionnels m’amènent des regards différents et des remises en question permanentes.
- Je perfectionne mon apprentissage de la démarche évaluative avec Généracio dans un accompagnement national qui m’emmène à la découverte de l’écosystème des habitats partagés.
- Je bénéficie du soutien et des compétences audio-visuelles de mon compagnon, pour mes projets actuels mais également pour un projet commun à venir.
J’oublie certainement d’autres choses…
Mais elles ont toutes en commun de faire du lien entre les gens. De nous aider à croiser nos regards pour avancer, ne plus être dans l’opposition. Comprendre l’autre.
Pourquoi je raconte tout ça aujourd’hui ?
Et bien simplement parce que depuis que me sens plus juste et honnête dans mon travail, les projets qui viennent à moi sont désormais dans la lignée de ce que je souhaite, avec les valeurs que je prône.
Et si cette petite étincelle que j’ai ressentie un jour peut allumer une flamme chez une personne qui me lit, c’est plutôt chouette !