Vous avez certainement entendu parler ou assisté à des activités dites « thérapeutiques ».
Je suis très mal à l’aise avec ces termes.
Parce que ce que je vois pendant un atelier « jardin thérapeutique », ce sont des jardiniers, des outils, de la terre, des semis…
Quand j’assiste à un atelier de « cuisine thérapeutique », je vois des ingrédients, des cuisiniers, des livres de recettes, des plats plus ou moins réussis…
Quand j’ai découvert l’atelier « tango thérapie » dans mon EHPAD local la semaine dernière, j’ai vu des danseurs, des pas comptés, des mouvements de jambes et de bras…
Dans tous les cas, j’ai vu des sourires, j’ai vu une application à la tâche, j’ai vu du plaisir, j’ai vu une envie de progresser, j’ai vu une fierté de réussir.
Mais point de thérapie.
Je n’ai vu que des gestes du quotidien, des activités banales, des efforts parfois récompensés, parfois non.
Alors pourquoi ajouter « thérapie » après une activité relevant de la normalité quand le petit Robert décrit ce terme comme un « ensemble de procédés concernant un traitement déterminé » ?
Après réflexion, j’y vois deux aspects :
- la « truc thérapie », le constat d’un acte banal qui fait du bien
Il y a un avant et un après l’acte. Un bien être, un apaisement issu de ces séances relevant des thérapies non médicamenteuses. C’est un fait, documenté.
Pourquoi avoir ajouté « thérapie » pour des actions du quotidien ?
Y a-t-il une honte à « traiter » sans intervention extra-ordinaire ?
Doit-on cacher que cuisiner, jardiner, danser peut faire du bien ?
Notre modèle d’accompagnement des personnes âgées dépendantes a tellement été cloisonné du reste de la vie quotidienne et placé dans une case sanitaire qu’on en vient à justifier des actes de la vie quotidienne dans un EHPAD comme un acte de soin. Pour que ça corresponde au modèle superficiel qu’on a créé.
Cette dichotomie est simplement l’écho de l’ambivalence de « oui oui vous êtes chez vous en EHPAD, vous pouvez faire comme vous faisiez avant » et « ah ben non, vous êtes dans un établissement de soin, on est là pour vous soigner ».
C’est une danse permanente (un tango thérapeutique ?) pour concilier les injonctions parfois contradictoires de tous les acteurs du grand âge.
Ce qui m’amène au 2ème aspect :
– la « bidule thérapie » comme un moyen d’action stratégique
Suite à ce constat, les professionnels se sont adaptés (à juste titre !). En apposant le terme « thérapeutique » à ce qu’ils veulent, ils deviennent légitimes à proposer des actes ordinaires dans un établissement de soin. Non seulement ils peuvent le faire, mais en plus ils bénéficient de soutien ! Soutien moral (« ah c’est chouette de proposer d’éplucher des patates ! »), soutien scientifique (« stimuler la motricité fine via l’épluchage de patates entretient les fonctions praxiques dans le cadre de maladies neuro-évolutives ») et même soutien financier (« on va caler l’épluchage de patates dans le cadre de la prévention de la perte d’autonomie, avec les financements attitrés »).
On finit par entretenir le système bancal.
L’EHPAD (et même le domicile à bien des égards) est un carrefour de lieu de vie, lieu de soin et lieu de travail.
C’est avant tout un lieu où des vies se croisent.
Et dans ces vies, on jardine, on danse, on cuisine.
Parce que c’est simplement la vie.
Inutile de préciser en quoi la vie doit être thérapeutique, assumons que simplement vivre apporte du bien-être 😊