Quand j’ai commencé à être formatrice auprès des professionnels du milieu médico-social, convaincue de mes apprentissages et bornée par mes certitudes, j’étais résolue à ne jamais former qui que ce soit à la bientraitance.
Pour moi, on n’apprend pas à être bientraitant, on l’est par nature, on a juste besoin d’avoir les moyens matériels et psychiques de l’être.
Asséner cette réalité dans un secteur aussi dévalorisé que celui des professionnels d’EHPAD, qui se démènent bien comme ils peuvent avec le peu qu’on leur octroie en considération et en moyens financiers, et constater ensemble une certaine impuissance à leur niveau, me rendrait inutile.
J’ai donc poursuivi ma carrière de formatrice en allant où je me pensais utile.
En parallèle, mes apprentissages et mon auto-formation ont continué, dans divers milieux et à divers échelons hiérarchiques, du terrain aux décideurs en passant par les gouvernances.
Et peu à peu des ponts se sont créés, des pop-ups nouveaux se sont ouverts dans mon navigateur mental.
Il fallait que tous ces milieux cloisonnés se parlent, qu’ils échangent leur point de vue pour créer une nouvelle direction commune. Bref, il fallait qu’ils communiquent.
L’occasion de mettre en œuvre tout ça s’est présentée lors de la formation « communication en équipes et interdisciplinarité » qu’Alcimed m’a proposé d’assurer, auprès de l’ensemble des professionnels d’un service de soins à domicile.
Si sur le papier, je n’ai aucun diplôme aussi spécifiquement dédié à ce thème, je me sentais légitime pour assurer cette formation.
– Je suis orthophoniste, la profession dont l’objet est la rééducation de la communication.
– Je suis formée en démocratie participative, outillée pour faire émerger la parole de tous.
– Je suis gérontologue, je connais les spécificités du sujet âgé, physiologiquement et pathologiquement.
– Je suis évaluatrice HAS, jonglant entre les impératifs réglementaires du milieu médico-social.
– Je suis humaine, et j’ai bien compris qu’on a besoin de tous pour vivre ensemble et que communiquer est le propre de l’humain.
J’ai adoré accompagner ces professionnels. Je crois bien que c’était partagé, au vu des retours et de leur demande à mon égard de revenir voir « s’ils communiquaient mieux ».
Le sujet de la bientraitance et des actes relevant de la maltraitance était le fil rouge silencieux de cette formation sans que je ne le saisisse immédiatement.
C’est au fil du temps que j’ai saisi que dans le médico-social et ailleurs, c’est le manque de communication qui est bien souvent à l’origine des actes maltraitants.
Je parle du manque de communication en général, pas seulement dans le cadre du travail, mais dans toute la vie du professionnel, qui aura un impact lors de ses actes.
Je reviendrai certainement sur ce sujet dans un autre article.
Toujours est-il que j’ai commencé à revoir ma posture sur la formation à la bientraitance.
J’y voyais enfin le moyen d’être utile à mon niveau.
Je n’ai donc pas été surprise quand Clara de COMIPARO m’a proposé de remplacer un formateur dans le cadre d’une formation bientraitance dans les Hautes-Alpes.
C’était apparemment le moment.
Dans la semaine, deux autres cabinets de conseil me contactaient pour intervenir sur le même sujet, alors que je ne pense pas avoir abordé ce sujet de manière concrète sur les réseaux.
C’était mon baptême de formation bientraitance.
Mais pas pour les professionnels, qui, je le vois bien lors de mes demandes de preuve lors des évaluations HAS, sont dans l’obligation de se former à la bientraitance.
Et même pour certains, le subissent.
En gros, quand je suis arrivée le matin du 1er jour de formation, j’étais en face de personnes désabusées pour certaines en ce qui s’agissait le sujet de la bientraitance.
Mais ces personnes, je les comprends. Puisque j’ai déjà ressenti ça.
Et j’étais justement là pour les entendre et leur apporter un autre regard aujourd’hui.
Les deux jours ont été riches d’échanges, de sincérité, de partage.
De communication fluide.
Je crois qu’on s’est tous bientraités au final.
À la fin de la formation, j’étais encore plus fébrile que pour les autres formations, à la lecture des retours des stagiaires.
Et quand j’ai lu dans les questionnaires « il faudrait former les cadres aussi à cette formation », « formation à refaire » , « point fort de la formation : la formatrice » , je me suis dit que j’avais été utile.
Parce que l’impuissance commence à disparaître.
Chez moi comme chez les personnes auprès desquelles j’interviens.
Je crois que j’ai une confession à faire : je m’appelle Aurélie, et je suis formatrice en bientraitance.