Réunion de quartier, poubelles et lien social

Mairie de Crémieu, mars 2025
Une petite trentaine d’habitants sont réunis dans la salle du conseil municipal, à l’invitation de la nouvelle équipe, pour une première réunion de quartier.
Mon quartier.
Je suis là en tant qu’habitante.
Je me réjouis de cette initiative, qui avait été promise lors de la campagne municipale l’année dernière (retrouvez mes différentes chroniques à ce sujet parmi les articles…).

Je suis consciente que l’exercice est périlleux pour les néo-élus quand la démocratie participative n’était qu’un vague concept new age pour beaucoup d’habitants, après 40 ans d’illusions de participation citoyenne…
C’est donc avec beaucoup d’empathie et d’admiration que je vois les 3 élus débuter la séance.

Déjà, je suis ravie, je découvre bon nombre de mes voisins.
J’obtiens même rapidement l’information que je venais chercher à titre personnel, à savoir le nom du propriétaire du bâtiment voisin, et ainsi peut-être espérer le voir faire le nécessaire sur son toit afin d’arrêter que les jours de pluie, la sortie de la maison soit une épreuve similaire à la traversée des chutes du Niagara.

Les règles participatives de base sont proposées : on lève la main avant de parler, on s’écoute, on se présente, on se respecte.
Plusieurs sujets sont proposés, mais nous savons tous ceux qui allaient nous préoccuper : le stationnement et les poubelles.

C’est sur ce dernier point que je choisis de cibler cette chronique, celle qui va me permettre d’aborder ici les sujets du lien social et de la résilience territoriale.

Pour rappel, ou pour ceux qui n’auraient pas le privilège immense de connaître Crémieu, il s’agit d’une cité médiévale. Avec tout ce que cela implique : pavés, ruelles étroites, circulation automobile aléatoire, et gestion des déchets ménagers en mode casse-tête.
Il y a encore quelques temps, un petit camion-poubelle passait dans les ruelles.
Depuis quelques années, les habitants sont invités à aller déposer leurs poubelles vers les points d’apport volontaire (PAV). Le petit camion poubelle ne passe plus.
Point positif : il n’y a plus les poubelles dehors, cela facilite la gestion pour le syndicat en charge de cette compétence, cela responsabilise les habitants.
Point négatif : il faut se déplacer.

Et justement, c’est bien ce point qui est soulevé par deux personnes, dont l’une peut être qualifiée d’âgée, et en perte d’autonomie.
Son questionnement est légitime : avant, il y avait le camion-poubelle. Aujourd’hui, il n’y est plus, et elle doit se déplacer, sur les pavés, loin, en portant en poubelle.
Si l’on s’en tient à cette vision unique, en effet, quelle solution ?
La collectivité doit-elle revenir en arrière pour faire revenir le petit camion juste pour elle ?
Doit-on tous payer pour elle alors que nous, nous pouvons nous déplacer ?

Finalement, ce serait aussi juste que financer la sécurité sociale pour ceux qui sont malades alors que nous, nous sommes en bonne santé …

Prenons de la hauteur…
Mobiliser un camion poubelle pour quelques ruelles coûte cher à la collectivité, on va pas se mentir.
Et je vous ramène à la responsabilisation de chacun, effondrement écologique oblige, que j’aborde dans les points positifs, ainsi que le bénéfice visuel et olfactif de ne plus avoir ces contenants à l’extérieur. La question de la sécurité, quand on doit slalomer entre les poubelles postées sur le trottoir a également été soulevée.

Evidemment, j’écoutais, et je l’avais, la solution.

Mais ce n’est pas moi qui l’ai apportée, et c’est tellement mieux …

C’est par un autre voisin qu’elle est sortie : « ben moi je vous l’amène la poubelle, au PAV ! »

Ben voilà, c’est pas plus difficile que ça.
Les deux personnes qui étaient en colère contre le changement qui leur était imposé s’en sont retrouvées surprises, et je devrais même dire, méfiantes, devant cette générosité spontanée.
Mais pour connaître et voir quotidiennement à l’œuvre le fameux voisin en question, je ne remets absolument pas en cause sa sincérité et son engagement à porter les poubelles de cette dame.
S’en sont suivis des échanges pratico-pratiques, mais voici ce que j’en retiens :

  • Les solutions existent déjà, elles ne coûtent rien, il suffit juste de changer de paradigme. La gestion des déchets n’est pas un dû parce que l’on paie des impôts. Elle est de la responsabilité de chacun.
  • Il est nécessaire d’accompagner au changement des personnes issues d’une génération où la collectivité et les services publics devaient répondre à leurs difficultés individuelles. La solidarité passe surtout par les échanges en direct, d’humains à humains.
  • La rencontre physique est indispensable entre habitants, afin de dépasser idées reçues, clichés et blocages liés au « on a toujours fait comme ça » ou « on m’a dit ça sur lui ou elle », et permettre à chacun de se faire sa propre idée et ainsi initier un changement d’abord en lui ou elle, afin qu’il essaime au niveau collectif.
  • La commune a un rôle moteur dans l’initiation de ces rencontres, bravo aux courageux qui se sont lancés dans l’arène !Le lien social est le fondement de la résilience territoriale, c’est-à-dire l’adaptation des individus à leur environnement qui change. Nous ne pouvons le faire seul, chacun dans notre coin. La confrontation des points de vue, des réalités de chacun est ce qui va permettre de coconstruire un monde dans lequel un habitant va venir prendre la poubelle de madame X, madame X, qui fera inconsciemment attention à ses poubelles, elle fera peut-être plus de tri … Et un jour elle filera une courgette de son jardin à son bienfaiteur.Ce n’est pas de l’utopie, ça existe déjà, il suffit d’ouvrir les yeux 😉

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