L’histoire de « Vivre », épisode 3

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Nous sommes le 14 mars, et je suis seule sur scène à la cinémathèque de montagne de Gap, face à une centaine de personnes issues du milieu de la gérontologie.
Anthony n’a pas pu m’accompagner.
Je lui avais déroulé le fil de ma conférence, il avait validé.
Le sujet étant l’image de la vieillesse, le projet photo est du pain béni pour l’illustrer.

Je débute mon exposé, entre questions auto-réflexives avec la salle (« et vous, quelle image vous souhaitez laisser ? » ou encore « Pensez-vous que l’image que vous renvoyez est fidèle à ce que vous êtes vraiment à l’intérieur ? » ou aussi « Quelle photo serait la plus représentative de vous ? » ) et illustrations par les photos des résidents.
J’ai été touchée par une remarque venant du cœur d’une participante de la salle : « Purée, mais on dirait qu’il a 15 ans de moins sur la photo en couleur ! »
Ok, je note donc que les photos du projet, sorties du contexte de Crémieu, font mouche. Je me sens rassurée pour la suite.

C’est parti pour parler du projet de film.
Et go pour dévoiler quelques rushs.
Bruts.
Dont ceux de LA rencontre.
Je faisais pas la maligne, seule sur cette scène.
J’appuie sur play.
Silence dans la salle.
La vidéo s’arrête.
Re-silence.
J’ai un moment de pas bien.

Je demande « alors, vous en pensez quoi ? »
Une personne prend la parole et répond : « C’est vraiment pris sur le moment, là ? Vous avez pas rejoué la scène ? »
Et là j’ai compris qu’on était sur le bon chemin.
Je réponds par l’affirmative, et j’entends des « Wahou » et des «  ça me fout des frissons »
Bingo.

Coup de fil soulagé à Anthony sur le retour, je rentre confiante.

Nous avions commencé à parler du projet de film ici et là sans insister non plus, et c’est la directrice du Crédit Agricole Sud Rhône Alpes de Crémieu elle-même qui nous contacte après en avoir entendu parler, par un de mes anciens parents de patients, sociétaire et membre de la Caisse Locale.
Nous sommes invités à présenter le projet devant les membres décisionnaires.
C’est parfait, j’ai déjà un support visuel de base suite à la conférence.
Parler en public est un exercice inédit pour Anthony, me confie-t-il, mais il me suit confiant, on verra bien ce que ça donnera sur place.
On est une équipe.

C’est devant une dizaine de personnes que nous exposons notre projet.
Je suis complètement dans mon élément, et nos répondons aisément aux questions générales et personnelles que le sujet fait émerger.
L’accueil qui nous est réservé est vraiment franc et excellent.
Le lendemain, la directrice nous appelle et après nous avoir dit « vous nous avez choqués, mais de manière bienveillante » ( article rédigé à posteriori ici ), elle nous assure d’une subvention de 1500€.

C’est parti, il nous faut une association pour demander d’autres subventions et lancer une compagne de dons.
En avril est créée l’association Regard 9 qui a pour objet le « croisement des regards par l’audiovisuel ». Encore une fois, rien n’est vraiment réfléchi en amont, ça sort tout seul. Je suis présidente, Anthony trésorier.
L’histoire des regards commence à germer, mais nous ne le savons pas encore.

Nous dessinons ensemble le logo (enfin moi je dis ce que j’imagine, et Anthony traduit ma pensée en images, en y ajoutant sa touche), avec cet œil qui montre un 9 mais avec un 6 en projection.
Que de métaphores dans ce logo…
C’est ce que j’explique en formation, pour illustrer que si un 6 est dessiné au sol, selon l’endroit où l’on se place, cela peut aussi être un 9. Tout est question de regard, de l’endroit où on se place. Tout le monde a raison, chacun sa vérité.

Un compte Hello Asso est également ouvert.

Et le 3 avril, nous recevons Florence Fortin-Braud, notre 1ère témoin.
Florence, je l’ai rencontrée virtuellement via Twitter, physiquement sur un toit au bord d’une piscine à Nice en même temps que Laurent Garcia, qui deviendra lanceur d’alerte pour les Fossoyeurs de Victor Castanet quelques mois plus tard. Ils deviendront tous les deux des piliers dans ma vie professionnelle et personnelle.
Florence, elle m’avait beaucoup dérangée au début par ses interventions sans filtre.
Elle est aide-soignante de profession, mais crieuse de vérité par passion.
Et à l’époque, je ne comprenais pas qu’on puisse être aussi franche.
Pour finalement l’admirer dès que je l’ai rencontrée.
Et m’en inspirer.
C’était évident pour moi qu’elle vienne partager son regard sur sa propre vieillesse.

Quand je lui ai parlé de notre projet de film, elle n’a pas hésité une seconde.
ça tombait bien, elle descendait de sa Bretagne pour venir à Lyon pour un congrès où elle allait encore faire parler d’elle.
Après avoir visité l’exposition photo de l’EHPAD, nous retrouvons Anthony qui a installé le studio éphémère dans son salon. C’est notre 1er tournage, nous ne mettons qu’une seule caméra. C’est ce qui expliquera par la suite l’astuce qu’il a dû mettre en place pour pallier cette différence avec les autres tournages.

J’ai préparé la veille 4 questions, qui seront la base de chacune des interviews :

  • qu’est-ce que c’est qu’être vieille pour toi ?
  • est-ce que tu te sens vieille ?
  • qu’est-ce que ça te fait ressentir ?
  • quel retour peux-tu faire après avoir vu l’expo photo ?

Fidèle à elle-même, elle se livre de manière totalement authentique.
30 minutes de discussion à coeur ouvert, et déjà ses paroles ouvrent d’autres pop-ups dans ma tête.

La partie témoignage était lancée…

Florence Fortin-Braud est aide-soignante, formatrice et autrice entre autres de  » Vieillir, une affaire de femmes ? » aux Editions Berger Levrault.
Toutes les informations sont à retrouver sur son site internet.

florence
Photo Anthony Coppa

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